Etudiants à l’étranger : protéger une population à risque

Iremos

17 nov. 2021

Le 17 novembre marque la journée internationale des étudiants. En mars 2021, environ 5 600 000 d’entre eux étaient en mobilité à l’étranger[1]. Si ces chiffres ont largement baissé en 2020 avec la pandémie de Covid-19 en raison de la fermeture des frontières et des mesures de restrictions adoptées dans une grande majorité de pays, le nombre d’étudiants en mobilité a augmenté de 31% depuis 2016[2]. Cette tendance semble se confirmer avec la reprise déplacements au deuxième semestre 2021.


Bien que globalement démocratisé, le déplacement d’étudiant à l’étranger n’est pas anodin en termes de sécurité[3]. En effet, les étudiants en stage ou en échange d’étude constituent une population à risque. S’il ne s’agit pas forcément de leur premier voyage, ce semestre ou année à l’étranger est souvent pour eux une première expérience d’expatriation, où ils sont seuls de surcroit, en dehors de la sphère familiale. Ils deviennent alors les principaux acteurs de leur sécurité. Malheureusement, en l’absence d’une formation adéquate et d’une prise d’information complète, ces jeunes voyageurs, souvent empreints d’une vision idéaliste du monde, peuvent être la cible d’actes de malveillance.

 

Un tel événement est susceptible d’entacher la réputation de l’établissement d’enseignement supérieur d’origine de l’étudiant avec des répercussions en termes d’inscriptions et de partenariats étrangers. Mais plus important que l’image de l’école, les conséquences peuvent être juridiques.
Dans ce contexte, la mise en place d’une organisation de sécurité des déplacements est nécessaire pour protéger non seulement les étudiants en déplacement, mais également l’établissement dont il dépend.

1. L’obligation de sécurité des établissements d’enseignement supérieur

Contenu et champ d’application de l’obligation de sécurité de l’employeur

Le droit français prévoit une obligation de sécurité de l’employeur. Cette obligation, que l’on retrouve dans le Code du travail, Code de la sécurité sociale et Code pénal[4], implique la formation, l’information et la mise en place des mesures nécessaires à la protection des employés. La jurisprudence a intégré à cette obligation les risques de sûreté (arrêt « BHV », Cour de cassation, 2e chambre civile, 6 avril 1987), et a étendu son application aux déplacements à l’étranger (arrêt « Abidjan », Cour de cassation, 7 décembre 2011). Tout d’abord considérée comme une obligation de résultat (arrêt « Karachi », Tribunal des affaires de sécurité sociale, 15 janvier 2004), l’obligation de sécurité de l’employeur est aujourd’hui interprétée comme une obligation de moyens renforcée (arrêt « Air France », Cour de cassation, Chambre sociale, 25 novembre 2015). Ainsi, en cas d’incident, la responsabilité de l’employeur ne pourra être engagée s’il peut démontrer que l’ensemble des mesures décrites ont été mises en œuvre par l’employeur, mais qu’elles n’ont pas été respectées par l’employé.

 

Application aux établissements d’enseignement supérieur

Cette obligation de sécurité s’applique également aux chefs d’établissement d’enseignement supérieur pour l’ensemble des agents et usagers de leur établissement. Si la jurisprudence ne s’est pour l’instant pas particulièrement exprimée sur le cas des étudiants se trouvant à l’étranger dans le cadre d’un partenariat d’étude, l’obligation de sécurité doit leur être appliquée dans la mesure où ils restent sous la responsabilité de leur établissement d’origine.


Pour ce qui est des étudiants en stage à l’étranger, le droit considère, depuis la loi du 10 juillet 2014, qu’ils sont couverts par l’obligation de sécurité de la même manière que les salariés. Leur convention de stage doit intégrer l’ensemble des éléments d’information sur la règlementation du pays d’accueil. La jurisprudence a appliqué l’obligation de sécurité aux cas de stages à l’international en condamnant l’INSA de Lyon après le décès d’un étudiant en stage sur un chantier en Égypte ne respectant les mesures de sécurité[5]. La Cour d’appel de Rennes a, quant à elle, condamné la CCI de Saint-Malo pour « faute inexcusable », considérant que les conditions du stage ne répondaient pas aux impératifs de sécurité suite à l’accident de scooter d’un étudiant en Thaïlande[6].


Qu’il s’agisse d’étudiants en échange ou en stage à l’international, il incombe à leur établissement d’origine de respecter l’obligation de sécurité et par conséquent de former et informer les étudiants avant leur déplacement et de mettre en œuvre toutes les mesures nécessaires à leur sécurité. Mais comment assurer la protection des déplacements à l’étranger des étudiants ?

 

2. Mettre en place une organisation de sécurité dédiée

Préparer les déplacements à l’international

Afin de mettre en place une organisation cohérente et complète visant à la sécurité des stages et partenariats à l’international, il est essentiel d’instaurer des mesures visant à préparer le déplacement. Tout d’abord, l’établissement devra s’assurer du niveau de sécurité de la localisation du stage ou échange. La conclusion de chaque partenariat d’étude et la signature de chaque convention de stage devront donc faire l’objet d’une validation sécuritaire. Cette validation devra être basée sur les informations tirées d’une veille sécuritaire quotidienne et sur l’analyse des différents risques (criminalité, terrorisme, géopolitique, sanitaire, naturel, etc.). L’organisation de sûreté devra alors prévoir un schéma de validation (responsables, modes d’accord, etc.) spécifique à chaque niveau de risque, ainsi que les conditions de validation ou de refus du déplacement. L’ensemble de ces informations pourront être intégrées dans un document de gouvernance.


Ce document devra également prévoir les mesures de sécurité applicables à chaque niveau de risque (logement, transports, moyens de communication, etc.). Ainsi, le choix du logement de transports répondra à des règles et prescriptions différentes selon la destination de l’étudiant. Si l’utilisation des transports en commun est par exemple globalement possible et sécurisée au Japon ou en Allemagne, elle est interdite au Kenya et soumise à certaines conditions de sécurité au Mexique ou en Chine.


Avant leur déplacement, les étudiants devront enfin être informés des risques présents sur leur lieu de destination et être formés à la gestion de ces risques. Ces informations aux étudiants de choisir de façon éclairée leur destination, mais également de se préparer aux risques. Une fois sur place, ils seront en mesure de réagir de façon appropriée en cas de réalisation d’un incident de sécurité. L’information et la formation permettent donc d’apaiser les étudiants avant leur départ et de rassurer leurs parents.

 

Assurer la gestion des incidents

Malgré l’instauration de l’ensemble des mesures citées ci-dessus, il est toujours possible qu’un étudiant fasse face à un risque sécuritaire (vol, agression, attentat terroriste, tremblement de terre, etc.). Dans ces cas, il revient à l’établissement d’origine d’assurer la gestion de l’incident. Celle-ci passe par plusieurs mécanismes.


La direction de l’établissement devra être en mesure de générer la liste des étudiants présents sur le lieu de l’incident (POB, Personal on Board). Cette liste devra être préparée à l’avance et mise à jour régulièrement afin d’éviter une perte de temps inutile au moment de l’incident. L’ensemble des individus de cette liste devront être contactés dans les plus brefs délais dans afin de s’assurer de leur état et leur transmettre les informations et conseils à suivre. Pour faciliter les contacts, la direction de l’établissement pourra se doter d’outils dédiés assurant l’alerte, la réception et la transmission des informations à des groupes de contacts préétablis. Dans tous les cas, il est nécessaire de s’assurer que les étudiants en déplacement disposent de moyens de communication adaptés (ex. téléphone avec un forfait international ou avec des données Internet) leur permettant d’être contactés en cas d’incident.

 


Les étudiants en déplacement à l’international constituent une population à risque en raison de leur manque d’expérience pouvant entraîner une mauvaise analyse des risques et une réaction inadaptée aux incidents de sécurité. Assurer leur protection implique la mise en œuvre de procédures et de mesures spécifiques, adaptées à l’organisation et aux besoins de l’établissement.

 

[1]  Campus France Chiffres clés 2021 de la mobilité étudiante dans le Monde

[2]  Institut de Statistiques de l’UNESCO, janvier 2021.

[3]  Le terme « sécurité des déplacements » englobe les thématiques de la malveillance (sûreté) et les risques naturels et sanitaires.

[4]  Articles L.4121-1, L.4121-2, L.4141-1 et L.4141-2 du Code du travail, articles L.411-1 et L411-2 du Code de la sécurité sociale, et aux articles 121-2, 121-2, 223-1 et 223-2 du Code pénal.

[5]. Arrêt n°14LY03251 de la Cour Administrative d’appel de Lyon, 16 février 2016.

[6]. Arrêt n°16/06243, Cour d’appel de Rennes, 26 juin 2019

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