Crise politique et insécurité galopante en Haïti

Le 25 novembre 2019, deux ressortissants français ont été tués par balle à leur arrivée à l’hôtel à Port-au-Prince. Le couple aurait été suivi depuis l’aéroport de la capitale, avant d’être victime d’une présumée tentative de vol à main armée. S’il s’agit d’un incident isolé, cela atteste néanmoins du climat sécuritaire dégradé lié au mouvement de contestation anti-gouvernemental et plus largement à un contexte socio-économique désastreux.

Contexte

Le taux de criminalité a considérablement augmenté depuis deux ans : le départ de la mission de stabilisation des Nations Unies (Minustah) en 2017 et la crise socio-politique qui sévit depuis février 2019 ont permis aux bandes criminelles de prospérer. La gronde populaire à l’œuvre s’est déclenchée en février 2019 suite aux révélations concernant des détournements de fonds de PetroCaribe par le gouvernement de Jovenel Moïse, élu en 2017. Des manifestations et opérations “pays lock”, consistant à bloquer et barricader des quartiers entiers, ont paralysé le pays pendant plusieurs jours en février et en juin. La situation se dégrade d’autant plus depuis début septembre, alors que le pays connaît d’importantes pénuries de carburant et de vivres. Depuis deux mois et demi, les manifestations hebdomadaires réclamant la démission du président sont constamment émaillées de violences, tandis que les grèves, les pillages et les blocages routiers sur les axes principaux de la capitale aggravent une situation économique déjà délétère. De nombreux services publics (transports en commun, écoles) ont été temporairement interrompus et des établissements privés (banques, commerces) ont parfois été contraints de fermer. Si des rassemblements se sont tenus dans de nombreuses villes du pays, la contestation s’est majoritairement concentrée à Port-au-Prince ; au niveau du Palais présidentiel et sur le Champ de Mars, sur le Boulevard du 15 octobre et notamment devant l’ambassade des Etats-Unis, sur le Boulevard Toussaint-Louverture, et la Route de Delmas jusqu’à l’ambassade du Canada et enfin sur la Route des Frères à proximité de Pétionville. Au moins 42 personnes ont été tuées en marge de rassemblements, dont 19 victimes de la répression policière. La situation risque de s’enliser, Jovenel Moïse n’étant pas disposé à quitter le pouvoir. En parallèle, l’insécurité gagne du terrain, notamment à Port-au-Prince.

Etat des lieux de la criminalité 

Entre contrebande d’armes et complicité d’hommes politiques, les bandes criminelles prospèrent.
Au moins 96 gangs sévissent aujourd’hui dans le pays, devenu une plaque tournante du trafic de drogue régional. En dépit de l’embargo sur le transfert et l’achat d’armes imposé par les Etats-Unis depuis le coup d’Etat militaire en 1991, 500 000 armes illégales seraient en circulation sur le territoire, favorisant les crimes violents.
Au regard du contexte actuel, les groupes criminels profitent de l’instabilité dans les rues pour semer le chaos, infiltrer les cortèges et perpétrer des pillages et saccages, des vols à main armée ainsi que des assassinats ciblés. Les barricades, installées par des manifestants, servent de points de rackets d’automobilistes. Les affrontements entre gangs en pleine rue font de nombreuses victimes innocentes - touchées par des balles perdues - parmi la population des bidonvilles, qui sont le théâtre d’assassinats de masse de plus en plus fréquents. Bel-Air, Martissant, le Bicentenaire, La Saline, ou encore la Cité-soleil, figurent parmi les quartiers de la capitale sous l’emprise de ces gangs. La faible présence des forces de police et la corruption dans ces zones, ne garantissent pas la sécurité des personnes. Le phénomène est d’autant plus difficile à enrayer en raison de collusions entre ces groupes criminels et des personnes de pouvoir. Certains de ces délinquants seraient engagés pour le compte d’acteurs privés ou de responsables du gouvernement et de l’opposition, leur permettant d’opérer en toute impunité. A mesure que la criminalité se développe, la violence se banalise.

Quels risques encourus par les ressortissants étrangers ?

Compte tenu de l’impunité et de l’emprise des gangs, les violences sont plus indiscriminées et peuvent directement et indirectement toucher les touristes ou expatriés. L’augmentation de la pauvreté et les pénuries induites par la crise actuelle sont un facteur aggravant pour les étrangers, dont le niveau présumé de richesse les expose à des délits de plus en plus violents. Bien que la population locale soit plus directement ciblée par les crimes violents, les ressortissants étrangers sont susceptibles d’être victimes de vols à main armée et d’agressions, d’agressions sexuelles, de kidnapping express et dans une moindre mesure d’enlèvements contre rançon. Les risques de crimes d’opportunité et de délits mineurs (vols à la tire, à l’arraché, pickpocket, cambriolage, extorsion, fraude) restent cependant les plus encourus par les étrangers aux abords de banques, dans les lieux d’affluence et particulièrement à l’aéroport de Port-au-Prince et sur la route qui le relie au centre-ville.

crise-socio-politique-port-au-prince-haiti

Recommandations  

Déplacements :
• Exercer une vigilance accrue à la sortie de l’aéroport et sur la route menant au centre-ville, aux sorties de banques et dans les lieux d’affluence ;
• Eviter les arrivées de nuit à l’aéroport ;
• Proscrire les déplacements dans les bidonvilles et quartiers populaires tels que Bel-Air, Martissant, le Bicentenaire, La Saline, Carrefour, ou encore la Cité-soleil (cf. carte) ;
• Proscrire les déplacements inter-urbains, particulièrement la nuit ;
• Proscrire les transports en commun. Prévoir un chauffeur, si possible avec voiture blindée, circuler constamment les vitres fermées et portes verrouillées ;
• Éviter de se déplacer à pied dans les grandes villes, surtout sur des trajets réguliers ; varier autant que possible les itinéraires (à pied et en voiture) ;
• Ne pas communiquer son adresse de destination en Haïti, ni d'informations personnelles à des individus en dehors des personnes habilitées aux douanes, à l'intérieur ou à proximité de l’aéroport.

Crime / contexte sociopolitique :
• En cas d’agression, ne pas résister, les assaillants étant souvent armés ;
• Éviter strictement tout rassemblement ou manifestation. En cas d’implication involontaire dans une manifestation, s’en extraire le plus rapidement et calmement possible, ne pas se rapprocher des forces de l’ordre, qui pourraient mal interpréter ce geste ;
• Exercer une vigilance accrue dans les environs du Palais présidentiel, à proximité du Champ de Mars et aux abords des ambassades du Canada (Route de Delmas) et des Etats-Unis (Boulevard du 15 octobre) ;
• En cas d’arrestation à un barrage routier, rester calme, garder ses mains en évidence et ne pas tenter de forcer le passage ;
• Malgré la spontanéité des rassemblements et de l’installation de barricades, tenter de se renseigner sur les routes bloquées et définir des itinéraires de substitution sécurisés ;
• Faire preuve d’une grande prudence lors des périodes de fêtes, surtout lors du Carnaval au mois de février, et de vacances.

Haiti-Social-Protests-November-2019-Iremos-1

 

>> Découvrez notre article : Protests across the world (November 2019)

L'analyse sécuritaire


Une « analyse sécuritaire » rend compte de manière précise et détaillée d’un contexte sécuritaire et propose selon le sujet des scénarios d’évolution élaborés à partir de signaux faibles détectés par l’équipe de veille d’Iremos grâce à un suivi quotidien de l’actualité. L’analyse inclut également des conseils pratiques pour des voyageurs avant le départ et pendant leur déplacement pour éviter d’être confronté à une situation à risques.

En savoir plus

 

Consultez maintenant le module e-learning gratuit pour préparer et sécuriser vos déplacements à l'étranger

Vous aimez cet article ? Recevez les notifications du blog directement dans votre boîte mail.