Comment et pourquoi développer la culture sûreté dans son organisation ?

Avant d’évoquer la culture de sûreté, il faut commencer par donner au terme « sûreté » toute sa valeur. Aujourd’hui, beaucoup de personnes ne connaissent pas la différence entre sécurité et sûreté. Cette situation est notamment due à un manque subsistant de normalisation dans le secteur de la sûreté. Contrairement au terme sécurité qui est très générique et répandu, la sûreté veille spécifiquement à la protection contre tout acte de malveillance à l’encontre du patrimoine humain, matériel et immatériel. La sûreté permet d’anticiper, de détecter et de protéger contre les menaces.

La culture de sûreté, une pratique inégalement répandue

Les organisations, tout comme les administrations et les entreprises, développent leur propre culture : c'est ce que l'on appelle communément la culture organisationnelle. Cette dernière repose sur les différentes manières de faire (organisation de la structure, stratégie, règles et valeurs de l’entité, etc.), et les manières de penser (méthodologie, transmission du savoir, etc.). La culture d'une entreprise ou d’une organisation dépend de son histoire, de son fonctionnement, de ses activités, de son environnement et des différentes menaces auxquelles elle est ou a été confrontée.

Dans ce cadre, la culture de sûreté et la place qu’elle va prendre dans la culture organisationnelle est aussi le reflet des manières de faire et de penser dans ce domaine. Une approche sous le prisme de la sûreté ne consiste donc pas à faire de cette dernière un secteur hermétique et séparé des autres secteurs de l'organisation. Elle va au contraire se pencher sur :

• La place donnée à la culture de sûreté dans le fonctionnement de l'organisation ;
• L'influence que la culture de l'organisation peut avoir sur les différentes pratiques en matière de sûreté.

D'où vient l'intérêt pour la culture de sûreté ?

En 1986, l'explosion au décollage de la navette Challenger ainsi que la catastrophe de Tchernobyl mettent en lumière des défaillances systémiques et propulsent le concept de culture de sûreté sur le devant de la scène. L’étude de ces évènements montre qu’ils ne résultent pas uniquement de comportements inadéquats des collaborateurs en charge du projet mais également d’un cumul de dysfonctionnements dans l’organisation. Dès lors, la notion de culture de sûreté va émerger, puis s’enrichir au fil des ans.

Dans le cadre de l’industrie nucléaire, c’est en 1991 que l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA) définit avec précision le concept : « la culture de sûreté est l’ensemble des caractéristiques et des attitudes qui, dans les organismes et chez les individus, font que les questions relatives à la sûreté bénéficient, en priorité, de l’attention qu’elles méritent en raison de leur importance ».

Cette proposition de définition ayant fait l’objet de nombreuses critiques, la définition du Comité Consultatif Britannique sur la sécurité des installations nucléaires (British Advisory Committee on the Safety of Nuclear Installations – ACSNI) de 1993 a par conséquent, souvent été privilégiée : « La culture de sûreté est le produit des valeurs, attitudes, perceptions et comportements individuels et collectifs qui déterminent la forme et le contenu des actions de prévention en santé et sécurité d’une organisation, ainsi que la façon dont ses membres s’impliquent dans ces actions ». Dans sa définition, le Comité met également en exergue le partage des aspects intellectuels et comportementaux ainsi que l’appropriation collective de la sûreté.

En somme, la définition de la culture de sûreté souligne :

• Que les bonnes pratiques sur les questions de structure (des organismes) et d’attitude (des individus) sont essentielles, mais qu’elles ne suffisent pas si elles ne sont appliquées que de manière formelle ;
• Qu’il est absolument indispensable que toutes les questions de sûreté soient appréhendées.

À l’heure ou le contexte international est caractérisé par son instabilité et où la menace est polymorphe, l’intérêt d’une véritable culture de sûreté semble d’autant plus primordial qu’elle permet de développer l’activité de toute organisation de manière pérenne, en cohérence avec ses valeurs et le bien-être de ses collaborateurs.

L’indispensable mise en place d’une culture de sûreté au sein de son organisme

Dans les pays anglo-saxons la culture de sûreté est abordée à l’école dès le plus jeune âge. La population est initiée aux différentes règles lui permettant de se protéger contre tous les types de risques.

En raison d’un manque accru de normalisation dans le secteur de la sûreté, aucune règle et aucune définition ne sont clairement constituées concernant la mise en place de mesures de protection face à une volonté intentionnelle de nuire.

Dans l’hexagone, les entreprises qui assimilent cette dimension de sûreté sont généralement celles qui ont déjà vécu des évènements mettant en péril leurs collaborateurs et leur activité. Ainsi on se rend compte que la France souffre d’un déficit de sensibilisation face aux risques de malveillance. Ceux auxquels peuvent être confrontées les organisations sont en effet extrêmement anxiogènes, d’où la difficulté d’évoquer et d’appréhender le sujet avec ses collaborateurs.

Dans ce contexte , la culture de sûreté est un facteur majeur, quelle que soit la taille de l’organisme concerné. Sensibiliser et responsabiliser ses collaborateurs sur les valeurs, les idéaux et la dynamique que l’on souhaite transmettre est alors indéniable.

Quatre étapes clés pour développer une culture de sûreté pertinente

📌Axer sa stratégie de sûreté sur le leadership

Les grandes transformations au sein d’une organisation sont généralement initiées par la Direction. Il est donc fondamental de s’assurer que l’équipe dirigeante mette en place une véritable stratégie de sûreté, qui aboutira à la généralisation d’une culture de sûreté au sein de l’entité. Les dirigeants doivent tenir le rôle de catalyseur et étendre leurs initiatives à l’ensemble des membres de l’organisation. Pour être efficace, la culture de sûreté doit être inhérente aux pensées et aux actions de tous les collaborateurs, le tout sous l'impulsion appuyée des décideurs. Les cadres et les responsables ont, par conséquent, un rôle déterminant à jouer en termes de pédagogie, afin de décliner le but de chaque décision pour le bien de tous.

📌Établir une politique de sûreté limpide et adaptée à chaque organisme

Les bonnes pratiques sont la pierre angulaire de la culture de sûreté, car elles accompagnent les collaborateurs dans l’apprentissage et le comportement à adopter au quotidien. C’est là tout l’intérêt de la mise en place d’une politique de sûreté claire et compréhensible par tous. Elle établit un lien étroit entre les différents services support et transversaux. Initiée par les instances dirigeantes, elle diffuse et fait connaître avec transparence les responsabilités leur incombant et leur engagement dans la recherche de l’excellence en matière de protection des collaborateurs et des biens. Elle a vocation à souligner le caractère prégnant de la sûreté, qui doit être considérée comme une priorité au même titre que d’autres thèmes prééminents au sein de tout organisme. Elle définit la structure à mettre en place tout en déclinant les rôles et responsabilités de chacun. Considérée comme un document solennel, la politique de sûreté ne fera sens que si elle est largement diffusée et relayée en interne et si les ressources adéquates y sont associées. Les ressources humaines, ainsi que les managers, doivent à cet égard s’assurer que les nouveaux employés prennent connaissance de ce document dès leur premier jour au sein de l’entité, et qu’ils puissent s’y référer facilement. Il s’agit, en bref, de poser un cadre clair et pertinent, explicitant la manière d’analyser les risques, de mettre en œuvre des moyens de protection efficaces et de les adapter au niveau de menace.

📌Sensibiliser les employés

Bien qu’elle puisse paraître fastidieuse, la formation du personnel est un élément essentiel à la diffusion et à la compréhension de la culture de sûreté. En effet, la mise en place d’une véritable stratégie de sûreté peut être enrayée par un manque de sensibilisation et de pratique. Afin de pallier cette carence, il existe de nombreuses méthodes, de la traditionnelle formation en présentiel au e-learning, en passant par des communications internes (infographies, newsletters, etc.). Il revient alors à chaque organisation de sélectionner une ou plusieurs méthodes, tout en gardant à l’esprit que l’un des facteurs de la réussite consiste à adapter la formation à chaque structure, en fonction de son secteur d’activité, de sa taille, de ses valeurs et du rôle de ses collaborateurs.

📌Impliquer les collaborateurs à la démarche de sûreté

Qu’elle soit publique ou privée, toute entité peut être considérée comme une communauté dans laquelle chacun contribue à son bon fonctionnement. Afin de conforter l’engagement des collaborateurs en termes de sûreté, il sera véritablement bénéfique que la Direction impulse une dynamique visant à détecter puis à signaler toute activité qui semblerait inhabituelle ou tout évènement, même mineur. C’est en encourageant la participation de chacun que l’identification puis la prise en charge d’un incident sera réalisée avec succès.

La culture sûreté, un gage de stabilité et de pérennité

En définitive, la volonté d’évolution et la conscience de l’importance des enjeux de sûreté sera le moteur permettant de mettre en œuvre une culture de sûreté efficiente. Il s’agit de réformer en profondeur les mentalités individuelles et collectives, tout en instaurant une réponse concrète et pérenne aux problématiques ayant trait à la sûreté.

La culture de sûreté doit être inhérente aux pensées et aux actions de tous, à chaque échelon de l’entreprise, et ce, sous l'impulsion appuyée des cadres supérieurs. Cela aura pour conséquence de rassurer ses interlocuteurs externes et de conforter, en interne, l’importance de la sûreté comme un « fondamental » de la réussite et de l’apaisement au sein de l’organisation.