Agressions, intrusions, attaques armées en milieu scolaire : comment protéger son établissement ?

Iremos

16 mars 2023

Depuis près d’un siècle, les établissements scolaires à travers le monde sont sujets à une montée croissante de l’insécurité, notamment due à la multiplication, depuis les années 1990, des attaques et fusillades de masse. La dernière fusillade en Europe a eu lieu en septembre 2022 dans une école d’Ijevsk en Russie, au cours de laquelle un ancien élève, âgé de 34 ans, a ouvert le feu et tué 18 personnes, dont 11 étudiants et deux agents de sécurité, avant de se suicider.

Les établissements scolaires sont devenus des cibles faciles pour les auteurs de ces attaques. En effet, ces bâtiments ne bénéficient pas nécessairement d’un haut niveau de protection ; leur architecture et leur organisation les rendent vulnérables, et l’accès aux enceintes des établissements est, dans la plupart des cas, aisé.

Par ailleurs, les établissements scolaires sont des symboles forts et importants pour les assaillants. Pour certains, ils représentent l’État et ses institutions, et pour d’autres, parfois victimes (ou anciennes victimes) de harcèlement scolaire, l’environnement scolaire est synonyme de maltraitance et de persécution.

Enfin, ces endroits sont propices aux rassemblements importants dans des espaces restreints, permettant ainsi aux assaillants d’assouvir leur volonté et de faire un maximum de victimes. La prévention et la détection des attaques sont donc plus que jamais des facteurs clés dans la protection de ces établissements.

Comment sécuriser les établissements scolaires afin de leur permettre de faire face à ces attaques ?  

  1. I. Les fusillades de masse, un mode opératoire répandu aux États-Unis

  2. A. Un mode opératoire répandu depuis les années 1990

  3.  
  4. Depuis les années 1970, les États-Unis ont connu plus de 2000 fusillades dans des établissements scolaires, de la maternelle à l’université. La dernière fusillade majeure s’est déroulée au sein de l’école primaire d’Uvalde (Texas), où 19 enfants âgés de 7 à 10 ans et deux adultes ont été tués par un homme de 18 ans. Il s’agit de l’une des tueries les plus importantes que le pays ait connues en milieu scolaire. Elle succède aux tueries de Columbine en 1999 (13 morts), de Virginia Tech en 2007 (32 morts), de Newton en 2012 (27 morts). Lors de la tuerie de Colombine, devenue une source d’inspiration pour de nombreuses attaques, deux adolescents de 17 et 18 ans avaient méthodiquement tué 12 élèves et un professeur, dans un lycée du Colorado, avant de mettre fin à leurs jours.

  5. Le profil des assaillants est presque toujours le même, des hommes de moins de 30 ans, fascinés par les armes à feu, ayant un lien plus ou moins direct avec l’établissement visé. Par ailleurs, deux États américains sont principalement visés par ces tueries de masse en milieu scolaire : le Texas et la Californie[1]. Chaque tuerie fait augmenter le taux de procuration d’armes et alimente les débats concernant l’obtention et la détention d’armes à feu, notamment pour les mineurs. En effet, face à l’horreur de l’acte, de nombreux Américains pensent d’abord à s’armer. Ce besoin de se défendre face à la menace fait entièrement partie de la culture américaine des armes à feu. Cette course à l’armement est aussi une des réactions post-traumatiques popularisées avec la multiplication des fusillades en milieu scolaire.

  6. D’autres conséquences, notamment psychologiques, ont pu être observées sur les populations, notamment l’anxiété face à des situations violentes ou certains bruits soudains, et pouvant aller jusqu’à un état d'alerte permanent ressemblant quelquefois à une forme de paranoïa. Dans les cas les plus poussés, des enfants peuvent aller jusqu’à avoir des pensées morbides, une hyperanxiété, voire éprouver une phobie scolaire.

  7. B. La mise en place de mesures de réaction

  8. Face à cette situation, les États fédéraux ont décidé de préparer les élèves et enseignants à ces évènements de forte intensité par la mise en place d’exercices permettant le développement de réflexes adaptés.

  9. De la maternelle à la terminale, 95 % des établissements scolaires publics aux États-Unis pratiquent ces exercices de « verrouillage » aussi appelés « lockdown » ou encore « kill drill ». Ils apprennent aux élèves à se cacher en cas d'intrusion armée, en suivant un protocole très précis allant jusqu’à préconiser l’autodéfense. Afin de rendre l’exercice plus réaliste, des policiers et des secouristes sont présents sur les lieux, et un faux tireur est désigné.

  10. Quant aux professeurs, ils multiplient les formations et se munissent de différents matériels essentiels en cas de fusillades comme des sacs et cartables pare-balles, ou encore des dispositifs permettant de bloquer les portes des classes. Toutefois, bien qu’expérimentaux, ces exercices n’en restent pas moins dangereux. En 2019, dans une école dans l’Indiana, quatre enseignants ont été blessés lors d’un exercice au cours duquel des pistolets à plombs avaient été utilisés.

  1. II. La multiplication des attaques contre les établissements scolaires hors des États-Unis

  1. A. L’exportation du phénomène 

Le phénomène des actes violents en milieu scolaire tend à s’exporter en Europe et dans le reste du monde depuis une vingtaine d’années, notamment depuis la tuerie de Columbine. Au sein de leurs propres écoles, de jeunes adolescents organisent de sanglantes attaques dans le seul but d'assassiner le plus grand nombre de personnes. On peut donner ici plusieurs exemples de fusillades qui se sont déroulées hors des États-Unis :

 

  • La tuerie du lycée de Kertch, en Ukraine, en 2018. Vladislav Rosliakov, un élève alors âgé de 18 ans, s’était inspiré de la tuerie de Columbine, faisant 21 morts, et au moins 50 blessés.
  • La tuerie française du lycée de Grasse en 2017. Une fois encore, l’assaillant de 16 ans et élève du lycée s’était inspiré de la tuerie de Columbine pour commettre cet acte, blessant cinq personnes.
  • La tuerie de Aracruz, au Brésil, en 2022 contre deux écoles. Un ancien élève de l’une des écoles, âgé de 16 ans, avait abattu 3 enseignants ainsi qu’une élève et blessé 12 autres personnes.

Toutefois, il n’existe pas nécessairement de lien direct entre les assaillants et les établissements ciblés. En effet, en 2004, des séparatistes tchétchènes ont pris en otage plus de 1300 personnes dans l'école de Beslan, en Ossétie du Nord, en Russie. 330 personnes, dont 186 enfants et plusieurs membres des forces de l'ordre, ont été tuées au cours de la prise d’otage.

En 2012, en France, le terroriste Mohamed Merah a abattu un enseignant et trois élèves dans une école juive de Toulouse. En 2015, des Somaliens du groupe djihadiste Chebab ont pénétré dans l'université kényane de Garissa, ciblant principalement les chrétiens, et ont tué 148 personnes, dont 142 étudiants. Enfin, en 2022, un homme de 34 ans est entré dans une maternelle dans la province de Nong Bua Lamphu, en Thaïlande, et a tué 36 personnes, dont 23 enfants, avant de se suicider.

B. Une diversité de modes opératoires

Les fusillades ne constituent toutefois pas l’unique mode opératoire utilisé lors d’attaques contre des établissements scolaires. Le milieu scolaire connaît d’autres types de menaces :

 

  • Les attaques au couteau, telles que celle du 13 septembre 2022 à Caen, lorsqu’un lycéen âgé de 15 ans a porté un coup de couteau à la gorge d'une professeure de lettres. Une professeure d’espagnol a également été poignardée et tuée pendant son cours par un de ses élèves, âgé de 16 ans, dans un lycée à Saint-Jean-de-Luz, le 22 février 2023. Enfin, on peut mentionner l’attaque du 10 juin 2022 à Esslingen en Allemagne, durant laquelle un homme de 25 ans avait très grièvement blessé une fillette et sa mère avant de prendre la fuite.
  • Les prises d’otage, bien que plus rares, restent une menace, notamment au sein des écoles françaises. En 2010 à Besançon, un homme avait pris en otage une classe d’une école maternelle de la ville. Le preneur d'otages, âgé de 17 ans, s’était fait passer pour un grand frère de l’un des élèves pour pouvoir accéder au bâtiment, alors qu’il était armé de deux sabres. Ce jeune homme dépressif, voire suicidaire, était en pleine phase de paranoïa. En 1993, armé d’une ceinture d’explosifs, un homme de 41 ans, surnommé « Human Bomb », avait pris en otage 21 enfants dans une école de maternelle à Neuilly pendant deux jours, avant d’être tué lors de l’intervention des forces de l’ordre.

En France, face à ces multiples menaces, le ministère de l’Éducation nationale a décidé d’accompagner les établissements scolaires afin de rationaliser les mesures de protection et d’éviter la multiplication des consignes. À la suite des attentats de 2015, plusieurs circulaires ministérielles ont ainsi encadré la mise en œuvre des plans particuliers de mise en sûreté (PPMS).

  1. III. Protéger son établissement

  2. A. Mettre en pace un Plan particulier de mise en sûreté (PPMS)

Les directeurs d’établissement disposent depuis 2015 d’outils leur permettant d’assurer la protection de leur établissement, de leurs élèves et de leurs collaborateurs. Le Plan particulier de mise en sûreté (PPMS), élaboré par les autorités françaises, se compose de plusieurs éléments. Tout d’abord, il contient un document qui doit être rédigé et mis à jour par chaque établissement scolaire, indiquant un certain nombre d’informations (cheminements d’évacuation, consignes, contacts d’urgence).

Ce dossier confidentiel doit être transmis uniquement au personnel de la Direction ainsi qu’aux forces de l’ordre, par le biais du référent sûreté du commissariat de police ou de la brigade de gendarmerie dont dépend l’établissement. Il joue alors le rôle de document opérationnel de référence, permettant à la direction de disposer d’une méthode dans la gestion d’une attaque. Le document PPMS doit être régulièrement mis à jour, afin de prendre en compte les changements d’infrastructure et de personnel.

Mais ce seul document ne suffit pas. Il implique la mise en œuvre de dispositifs spécifiques, en particulier d’un dispositif d’alarme distinct de l’alarme incendie, ainsi que la préparation des utilisateurs. Cette phase de préparation passe tout d’abord par la formation de l’ensemble des élèves et collaborateurs, afin de leur présenter les enjeux du PPMS et de les sensibiliser aux risques potentiels et aux bons comportements à adopter en cas d’occurrence d’un évènement de type intrusion armée.


 

Après la formation théorique, la phase de préparation doit intégrer l’organisation d’un exercice permettant de tester et de mettre en œuvre les bons réflexes appris. Exercice à but pédagogique, il ne doit en aucun cas engendrer une anxiété démesurée parmi les participants. Tout comme la formation, la réalisation d’un exercice doit être annuelle afin d’intégrer les nouveaux arrivants et de faire progresser l’ensemble des équipes.

  1. B. Renforcer ses dispositifs de protection

  2. En parallèle de cette obligation légale que constitue le PPMS, chaque directeur d’établissement peut aussi choisir de s’assurer que ses infrastructures soient correctement protégées pour faire face à une intrusion armée par le biais d’un audit de sûreté. Dans ce cadre, une expertise pourra proposer le renforcement des dispositifs bâtimentaires, techniques, organisationnels ou humains pour répondre aux risques spécifiques à l’établissement selon son contexte et son environnement.

    Ainsi, la direction de l’établissement aura mis tous les moyens en œuvre pour respecter son obligation de sécurité, et assurera la tenue sereine des activités scolaires.

    Pour protéger votre établissement scolaire, IREMOS peut vous accompagner dans la rédaction de votre PPMS, la formation de vos collaborateurs et élèves, l’organisation d’exercice ou la tenue d’un audit de sûreté. 

    [1] L’évolution des fusillades en milieu scolaire aux États-Unis.

 

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