Risques politico-sociaux : une violence croissante

Iremos

8 nov. 2021

L’année 2021 a été marquée par une rentrée sociale dense sur l’ensemble du globe. Les sujets sont nombreux et variés : élections (en Europe comme en Allemagne en septembre ou en France en mai 2022), environnement (manifestations pour la justice climatique en Europe, discours d’appel à la fin du « blablabla » des politiciens de Greta Thunberg), retour des thématiques sociales précovid et accentuées par la crise sanitaire (mouvement des gilets jaunes en France, lutte contre le racisme et les violences policières), contestation des mesures de restriction, etc. Les manifestations et rassemblements qui ponctuent cette rentrée sont cependant caractérisés de plus en plus fréquemment par des évènements violents, et ce depuis plusieurs années. En France, les images du saccage de l’Arc de Triomphe le 1er décembre 2018 lors d’une manifestation des Gilets jaunes ou celles de l’envahissement et de la dégradation des locaux du groupe Blackrocks par des militants écologistes en février 2020, ont marqué les esprits.

Bien que la majorité des participants aux manifestations soit pacifique et bienveillante, les mouvements de violence sont de plus en plus réguliers. Que cela vienne de groupes organisés ou de participants isolés et galvanisés par l’effet de masse, la violence est parfois spectaculaire, voire traumatisante. Ces violences induisent des risques pour les individus sur leur lieu de travail ou lors de leurs déplacements et pour les entreprises dont les locaux peuvent être dégradés, voire détruits.

 

1. Une augmentation constatée des violences

Des violences préexistantes

Pendant de nombreuses années, les violences au cours des manifestations ou rassemblements politico-sociaux étaient principalement concentrées dans certains pays ou régions, comme en Argentine ou dans d’autres pays d’Amérique latine, où les affrontements avec les forces de l’ordre en fin de cortège étaient monnaie courante et faisaient preuve d’une violence aigüe. Les actes de brutalités pouvaient émaner de groupes organisés ou, de façon plus courante, des forces de l’ordre elles-mêmes faisant usage de la force pour mater la contestation. Que ce soit des manifestations contre la baisse du pouvoir d’achat ou des mouvements indigènes, l’armée a été très souvent déployée dans les rues pour réprimer violemment les protestations dans l’Argentine des années 80 ou dans le Chili des années Pinochet. Cette violence est devenue habituelle et a perduré dans le temps, comme en témoigne la présence de militaires dans les rues de Santiago en 2019 et le bilan humain (26 morts).

Ces violences pouvaient alors être l’apanage de groupes sans lien direct avec l’objet du rassemblement, mais souhaitant uniquement en découdre ou faire part de façon virulente de leur mécontentement face au système politique en place.

 

Une généralisation du phénomène

Ce phénomène s’est aujourd’hui répandu dans un grand nombre de pays, dont la France. Les individus et groupes utilisant la tactique du black bloc, présents dans les rassemblements internationaux de grande envergure dès la fin des années 1980, sont apparus en France au début des années 2000 (sommets de l’UE, ZAD de Notre-Dame des Landes, mobilisation contre le barrage de Siens). Cependant on assiste depuis 2016 à une généralisation de leur présence lors des manifestations - que ce soit lors du mouvement contre la loi travail en 2016 ou du mouvement des gilets jaunes en 2018-2019. Jets de projectiles, tags, feux, destructions font partie des modes opératoires utilisés par ces individus qui se mélangent aux manifestants pour éviter d’être repérés par les forces de l’ordre.

La crise pandémique du covid-19 a catalysé ces violences qui se sont banalisées lors des protestations sociales, en Europe comme dans le reste du monde. Les manifestations dénonçant l’état d’urgence sanitaire et les mesures de restrictions jugées « liberticides » ont été et sont encore empreintes de brutalité. En Allemagne, des rassemblements anti-restriction en juin 2020 ont donné lieu à des scènes d’émeute et de pillage à Stuttgart. Des incidents similaires peuvent être cités en Espagne en novembre 2020, aux Pays-Bas en janvier 2021, ou encore en Martinique en juillet 2021 (se soldant alors par l’incendie d’un vaccinodrome). Pour y faire face, les forces de l’ordre ont alors pu faire usage de la force, allant jusqu’à l’utilisation de gaz lacrymogène et de canon à eau, comme cela a été le cas en Slovénie en septembre 2021.

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2. Comment expliquer ce phénomène ?

Des mouvements divers et de plus en plus nombreux

Ces dernières années ont été marquées par une défiance grandissante de la population envers les gouvernements. Plusieurs mouvements, groupes complotistes ou ultras, ont alors capitalisé sur ce sentiment afin de gagner en soutien. Les groupes d’extrême droite et d’extrême gauche s’immiscent dans les manifestations, quelle qu’en soit la thématique, dans le seul but d’appeler à la violence contre la police ou les membres du gouvernement. Confortés par leur base grandissante, ces groupes radicaux organisent des rassemblements de façon plus systématique, se provoquant à l’instar de « bandes rivales ». En Allemagne, en août 2021, des antifascistes et militants d’extrême droite se sont fait face à Dortmund, donnant lieu à des violences.

Dernièrement, les participants aux manifestations anti-restrictions ont également été galvanisés par les antivax et mouvements complotistes qui dénoncent un supposé contrôle du gouvernement sur les populations par l’injection du vaccin anti-covid. Ces groupes complotistes sont de plus en plus présents dans l’espace politico-social. En Espagne, malgré le nombre important de victimes du Coronavirus depuis 2020, les rassemblements anti-restrictions de janvier 2021 ont vu manifester des individus dénonçant la tromperie du gouvernement face à un virus qui n’existerait pas.

 

Le rôle des réseaux sociaux

Ces mouvements sont amplifiés par les réseaux sociaux qui jouent un rôle de catalyseur et permettent d’entraîner des individus non radicalisés dans des actions violentes. L’exemple le plus marquant de ces dernières années est sans doute le rôle joué par les réseaux sociaux dans l’attaque du Capitole du 2 avril 2021 suite à l’appel de Donald Trump sur Twitter. Cet appel, partagé par de nombreux groupes contestataires (QAnon, les Proud Boys ou le mouvement du Tea Party) après l’élection de Joe Biden, a entraîné un assaut mené par 800 personnes, faisant 6 morts et de nombreux blessés. Le phénomène risque de s’accroître au courant des années à venir. Selon une étude de l’IFOP, 33% des Français privilégient les réseaux sociaux comme source d’information, ce chiffre montant même à 47% chez les moins de 35 ans[1]. De plus, les réseaux jouent un rôle clé dans la diffusion des idées complotistes et des idéaux violents en favorisant, par leur algorithme, les bulles idéologiques. Ainsi, selon un rapport de 2016, un utilisateur rejoint un groupe jugé extrémiste à la suite d’une recommandation des algorithmes de Facebook dans 64% des cas.

L’immensité des réseaux sociaux et la dissémination des appels au regroupement et à la violence rendent difficiles la prévention et la gestion des actes de violence par les forces de l’ordre. Twitter, Facebook, Télégram , Whatsapp, Snapchat ; les appels à la mobilisation naissent, prennent de l’ampleur ou s’éteignent sur ces différentes plateformes, et peuvent être difficiles à localiser ou à suivre. Un appel à la violence isolé peut se concrétiser tandis qu’un appel à la mobilisation sur un groupe « officiel » est susceptible de ne jamais voir le jour.

 

3. Conséquences et préconisations

La généralisation et l’augmentation des violences lors des rassemblements et manifestations à caractère politico-sociaux engendrent de nombreux risques, pour les personnes comme pour les sites.

Risques pour les individus et les sites

Les individus se trouvant sur les lieux de ces rassemblements (passants ou riverains) peuvent être les victimes involontaires des violences se déroulant dans ou en marge des manifestations. Il en va de même pour les manifestants pacifiques qui peuvent devenir des victimes collatérales des violences au sein même du cortège ou des affrontements avec les forces de l’ordre, uniquement en raison de leur présence sur les lieux. Ainsi, plusieurs passants ont été agressés en février 2021 lors d’une simple manifestation de lycéens à Montpelier. Certains individus peuvent être spécifiquement pris pour cible en raison de leur fonction ou position. En août 2021, le Premier ministre de Saint-Vincent-les-Grenadines a été blessé en marge d’une manifestation devant le Parlement.

Les sites et locaux d’entreprises sont aussi sensibles à ces risques, en particulier en raison du symbole qu’ils représentent. Ainsi, 246 entreprises ont été touchées par les dégradations lors de la manifestation des gilets jaunes du 8 décembre 2018[2]. Les symboles de capitalisme, comme les agences bancaires, assurances ou magasins de luxe avaient alors été spécialement visés. Tel a également été le cas lors des rassemblements du 1er mai 2021 à Bayonne, où des banques, agences immobilières et agences de voyage ont été taguées et dégradées. Au Liban, une manifestation contre le pouvoir politique en place le 8 août 2020 s’est soldée par l’invasion du ministère des Affaires étrangères à Beyrouth. Dernièrement, les symboles sanitaires (ministères de la Santé, pharmacies, laboratoires, centres de vaccination ou de dépistages) sont ciblés lors des manifestations anti-passe sanitaire.

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Se prémunir des risques

Comment faire face à ces risques et réagir en cas d’incident ? Pour les individus, le constat est simple : il est tout d’abord essentiel d’éviter, lorsque cela est possible, les zones de rassemblement et de manifestation. Si cependant une personne devait se retrouver dans un cortège, il convient de le quitter le plus rapidement et le plus calmement possible, en évitant de se diriger vers les forces de l’ordre encadrant la marche. Celles-ci pourraient effectivement interpréter cette présence comme un affront. En cas de prise à partie, de mouvement de foule ou de violences, l’important est alors de ne pas résister, et de se rouler en boule afin de protéger ses organes vitaux.

Pour ce qui est des locaux, une veille quotidienne permettra de connaître les dates et lieux de manifestation, mais également les repérer les messages haineux ou violents à l’encontre de son entreprise ou de son domaine d’activité. Il sera alors plus facile de mettre en place des mesures visant à renforcer la protection de ses locaux le cas échéant. Par exemple, l’installation de grilles ou panneaux permettant de sécuriser les entrées et fenêtres peut être une solution, afin de bloquer l’accès à des personnes non autorisées. L’ajout de personnel de sûreté pourra également être envisagé.

 

Les rassemblements et manifestations donnent de plus en plus régulièrement lieu à des actes de violence pouvant impacter les individus comme les biens. IREMOS accompagne les entreprises et bailleurs afin de sécuriser leur personnel et leurs locaux, par le biais d’audits, de sensibilisations aux usagers, mais également de plans de mises en sûreté (PMS). Ces derniers permettent, sur la base d’une analyse effectuée par des experts, de connaître les impacts possibles d’actes de malveillance sur un site. Ils contiennent également les mesures de protection et les premiers gestes spécifiques à adopter en cas d’évènement menaçant, allant jusqu’à l’évacuation des lieux. Le Plan de mise en sûreté peut ensuite être fourni aux forces de l’ordre compétentes, qui connaîtront ainsi en cas d’intervention le site ainsi que les modes d’évacuation prévus. Entre 2019 et 2021, plus de 50 PMS ont été effectués par les équipes d’IREMOS.

 

[1]  Sondage IFOP pour la Fondation Jean-Jaurès et de Conspiracy Watch, février 2019 Enquête Complotisme 2019 : Focus sur le mouvement des « Gilets jaunes» 

[2] France TV info - Paris : 246 entreprises touchées par des dégradations samedi lors de la manifestation des "gilets jaunes" 

 

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