Les influences russes et chinoises sur le continent Africain

Iremos

29 nov. 2022

Mercredi 25 mai 2022, des slogans anti-français, tels que "La France est responsable de génocide en Afrique", "L’Afrique de l’Ouest n’est pas une colonie française", "Richesse de la France sur le dos des Africains" ou bien "La France dehors", ont été scandés devant l’ambassade de France à Pretoria. Les manifestants ont profité de la Journée de l’Afrique pour condamner l’ingérence française sur le continent. Ce sentiment anti-français et plus généralement anti-occidental se fait ressentir depuis quelques années sur le continent africain. Les États semblent rejeter toute sorte de collaboration avec les puissances occidentales, vue comme une prolongation du colonialisme historique et de la relation dominant-dominé. Ils se tournent alors vers d’autres puissances que sont la Russie ou la Chine en espérant une collaboration plus équitable, une sorte de solidarité Sud-Sud.

La Chine, principalement implantée sur le continent grâce à des investissements pharaoniques[1] et à un Soft Power très puissant, semble de plus en plus vouloir se concentrer sur la côte Est où le pays a lancé son projet des Nouvelles Routes de la Soie en 2017[2]. L’influence russe est elle aussi ressentie sur tout le continent, mais avec une présence plus appuyée en Afrique francophone et au Sahel[3], profitant du départ de l’ensemble des soldats français de la force Barkhane du territoire malien en août 2022. En effet, avec près de 3000 soldats engagés depuis 2013 au Sahel, la force antidjihadiste française Barkhane a fait face en quelques années à la montée du sentiment anti-français, les autorités maliennes ayant préféré se rapprocher de la Russie et de l’aide des troupes paramilitaires du Groupe Wagner. En septembre 2022, les putschistes burkinabés tout juste arrivés au pouvoir ont également mentionné leur souhait de se rapprocher de la Russie en dépit de la France suite aux manifestations contre la force Barkhane.

Comment se traduisent ces jeux d’influence et quelles conséquences ont-ils sur les entreprises ?

I. L’influence russe : une aide financière et militaire

Stratégies d'influence russe et chinoise en Afrique - Blanche Lambert (entreprise AB Pictoris)

Infographie : Blanche Lambert - AB Pictoris

Les relations russo-africaines remontent à l’ère soviétique, notamment à la fin des années 1950, période des indépendances africaines. Moscou a défendu très tôt ces indépendances par le biais d’un soutien politique et militaire aux mouvements de libérations nationales et d’une aide financière aux partis communistes africains. Dès 1980, les premiers accords économiques, technologiques et commerciaux ont été signés, intégrant notamment de multiples échanges universitaires dans les instituts techniques soviétiques. Après l’éclatement de l’URSS, il a fallu attendre les années 2000 et l’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine pour que les relations reprennent, renforcées par de nombreux déplacements en Afrique et par la création en 2009 des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud). La Russie et l’Afrique du Sud ont alors établi des liens notamment dans la métallurgie et le domaine minier. L’arrivée au pouvoir en 2009 de Jacob Zuma, ancien responsable des renseignements de l’African National Congress, ayant collaboré avec les renseignements russes du KGB durant l’apartheid et fervent soutien de la Russie, va permettre aux Russes de s’implanter dans le pays. Progressivement, l’influence russe s’est développée et étendue à de nouvelles régions, se fondant sur l’aide financière et militaire pour renforcer son hégémonie.

 

  1. A. Une aide financière ouvrant l’accès à l’exploitation des ressources naturelles dans le Nord

  2. Depuis les années 2000, l’un des principaux objectifs de Moscou a été d’acquérir une influence sur des territoires stratégiques le long de la Méditerranée, afin d’assurer sa sécurité et défendre celle de ces alliés en limitant les zones d’implantation des forces hostiles à son régime. Son influence en Afrique permet alors à la Russie de se positionner comme acteur de poids dans le sud et de faire face à l’influence des États-Unis et de l’OTAN dans la région.

  • En Libye, la Russie a décidé de participer à la construction des chemins de fer sur la ligne Syrte-Benghazi en fournissant du matériel (rails) russe. Elle a aussi accepté d’effacer la dette libyenne de 4,6 milliards de dollars en échange d’un achat de 3 milliards de dollars d’équipements militaires. De plus, les discussions sont ouvertes depuis 2021 concernant la possibilité d’installation d’une base russe en Libye.

  • En Algérie, Vladimir Poutine a proposé la suppression de la dette algérienne de 4,7 milliards de dollars en échange de la signature d'accords gaziers et d’armement.

  • Enfin au Maroc, la Russie a signé en 2016 des accords de coopération économique.

Ces régions ne sont pas les seules à attirer la Russie. L’Afrique de l’Est est aussi très importante pour le pays, où Moscou, au travers d’entreprises russes comme M Invest ou Meroe Gold, exploite les sous-sols riches en or, gaz, aluminium ou encore uranium. Entre 2015 et 2016, plusieurs accords dans les secteurs miniers et énergétiques ont été signés entre le Soudan et Moscou, dont le projet de construction d’une centrale nucléaire. En 2018, le Rwanda et la Russie ont signé un accord de coopération intergouvernemental dans le domaine de l’utilisation pacifique du nucléaire, avec la construction entre autres d’une centrale. Enfin, en République Démocratique du Congo, la société minière de Bakwamba[4], qui exploite les réserves de diamants dans la région du Kasaï, a signé en 2021 un protocole d'accord avec l’entreprise minière russe Alrosa, lui permettant l'exploration, l'extraction puis le traitement des diamants dans plusieurs de ses carrés miniers.

 

B. Des accords militaires au Sahel

Des accords gouvernementaux d’approvisionnement et de formation

Le commerce et la coopération sécuritaire sont des points clés de la présence russe en Afrique[5].

  • Après le coup d’État égyptien de 2013, la Russie a développé une coopération militaire importante et vendu des armes au pays. En 2018, le président égyptien Abdel-Fattah Al-Sisi a cosigné avec Vladimir Poutine un traité de partenariat stratégique afin de réduire sa dépendance vis-à-vis des États-Unis et de l'Europe. Néanmoins, depuis 2020, Al-Sissi semble mener une politique mixte dans ses relations internationales. Après avoir condamné l'invasion russe en Ukraine, en accord avec la diplomatie européenne et américaine, l’administration d’Al-Sisi semble aujourd’hui soutenir les positions russes en refusant de lui infliger des sanctions.

  • Au Nigéria, la Russie soutient la lutte contre Boko Haram en vendant des armes et en proposant des formations militaires aux soldats nigérians.

  • Depuis la crise de Crimée en 2014, la Russie et plusieurs pays d’Afrique comme Madagascar, le Mali ou le Congo, ont signé des accords comprenant des formations militaires, l’approvisionnement de matériel militaire, des exercices communs et une lutte contre le terrorisme et la piraterie. Cela assure à la Russie la fidélité de potentiels alliés en cas d’escalade des tensions dans ses relations avec l’Occident.

  • En 2019, le Soudan et Moscou ont signé un accord permettant à la Russie de construire une base capable d’accueillir ses navires à propulsion nucléaire[6]. Cette position est importante pour la Russie puisque les abords très convoités de la mer Rouge sont le théâtre d’un jeu d’influence entre les pays de la région (pays du Golfe ou encore Égypte), mais aussi les puissances occidentales qui y possèdent des bases militaires (France ou Italie).

L‘arme Wagner

C’est durant la crise de 2014, entre l’Occident et Moscou que s’est créé le groupe paramilitaire russe Wagner (PMC Wagner). Si officiellement les sociétés privées militaires sont interdites en Russie, ce groupe est en réalité un instrument géopolitique important pour le pays. Principalement actif depuis 2018, Wagner est aujourd’hui officiellement présent dans près de 17 pays africains, dont le Burkina, le Mali, la RDC ou le Malawi. Les gouvernements africains, face à la faiblesse de leurs institutions, font souvent appel à Wagner pour lutter contre les groupes armés, protéger certains sites miniers, former les soldats, fournir des armes ou soutenir les armées dans leurs différentes missions. Les grandes entreprises présentes sur le territoire africain peuvent également faire appel à ces mercenaires, comme l’entreprise d’extraction d’or Meroe Gold présente au Soudan. Officiellement saoudienne, l’entreprise est officieusement dirigée par des Russes, et est exemptée du versement de la « part du gouvernement »[7], en échange d’un soutien militaire au pays[8]. Toutefois, le gouvernement soudanais dément toute présence d’un groupe paramilitaire russe sur son territoire.

La présence du groupe dans de nombreux pays, et notamment d’anciennes colonies, permet à la Russie de mener de réelles campagnes de désinformation en diabolisant l’Occident. Ces campagnes ont un objectif politique et diplomatique, visant à soutenir un régime africain isolé qui est ensuite redevable à Moscou. En avril dernier, quelques jours après le départ des Français de la base militaire de Gossi au Mali, les mercenaires de Wagner ont été accusés par Paris d’avoir publié de fausses images mettant en scène un charnier proche de la base. Ces images ont été démenties par Paris grâce à des vidéos capturées par drone montrant les mercenaires en train de mettre en scène et de tourner ces images.

La place que prend Moscou sur le plan commercial et militaire montre une réelle volonté de s’imposer sur le continent africain et plus largement sur la scène internationale. Grâce à ces multiples alliances et accords, la Russie concurrence les puissances occidentales, qu’elle diabolise via d’importantes campagnes de désinformation. Toutefois, un autre acteur commence à lui faire de l’ombre, la Chine, dont la présence a été renforcée dans les secteurs économiques et financiers depuis les années 2000 avec les politiques d’internationalisation des entreprises, et son projet des Nouvelles Routes de la Soie, mais aussi dans le secteur militaire. Pékin semble avoir une approche plus différente que la Russie en comptant sur son Soft Power pour s’implanter sur le continent.

II. L’influence chinoise : accords commerciaux et soft power

stratégies dinfluence russe et chinoise en afrique-2

Infographie : Blanche Lambert - AB Pictoris

A. Une influence commerciale au travers du projet des Nouvelles Routes de la Soie

Alors qu’au début du XXIe siècle, le développement du continent africain et de la Chine était presque simultané, la Chine va connaître un bond de croissance assez important après la Seconde Guerre mondiale. Dès 1960, en quête d’alliés, la nouvelle puissance s’est tournée vers l’Afrique, qui est depuis devenue un pilier de la stratégie d’influence chinoise. Celle-ci s’est illustrée par le soutien aux mouvements d’indépendances nationales, le développement de nouvelles relations diplomatiques ou encore le financement des infrastructures comme le chemin de fer Zambie-Tanzanie. La Chine va ainsi proposer aux pays d’Afrique de s'allier face à l’Occident. Depuis les années 1970, les entreprises privées chinoises fleurissent en masse sur le continent en suivant la politique de Deng Xiaoping[9] « Go Abroad ». En 2020, près de 10000 entreprises chinoises[10], comme la China Harbour Engineering Company ou encore des filiales de la Weihai International Economic & Technical Cooperative, étaient implantées en Afrique, dans des secteurs très variés (manufacture, commerce, construction ou encore immobilier). Cette politique est en réalité une stratégie de la République populaire de Chine qui encourage les entreprises chinoises à investir et à s’exporter sur les marchés étrangers.

Aujourd’hui, la Chine entretient principalement des relations commerciales avec l’Afrique, entre construction d’infrastructures et cession massive de matières premières. Bien moins pointilleux que la Banque Mondiale d’Investissement, Pékin ne craint pas d’investir en Afrique et est même devenu ces dernières années le principal créancier du continent. Étant peu regardante sur les situations politiques et sociales des pays, la Chine permet aux pays africains d’obtenir d’importantes sommes, et ainsi de combler leurs besoins en infrastructures et stimuler leur croissance et leur développement. Cette pratique est vivement critiquée par les puissances occidentales, accusant la Chine d’utiliser le « piège de la dette » pour exercer une influence sur les pays africains. Dans les faits, la Chine prête de l’argent à long terme aux États, qui doivent céder le contrôle d’actifs clés s’ils ne peuvent pas le rembourser. Pour Pékin l’avantage est d’obtenir un remboursement sous forme d’infrastructures ou d’approvisionnement en matières premières. En peu d’années, la Chine est devenue le premier partenaire commercial d’Afrique et détient presque un tiers de la dette extérieure africaine. La mise en place du faramineux projet chinois des Nouvelles Routes de la Soie[11] en est pour beaucoup. Depuis 2017, les ports, les voies ferrées et les routes en Afrique de l’Ouest sont largement financés par la Chine. Les principales zones d’investissements sont le Kenya, où la Chine finance la construction d’un nouveau terminal au port de Mombasa (plus grand port d’Afrique de l’Est) ainsi que la ligne de fer Monbasa-Malaba, le Soudan, l’Éthiopie où Pékin a financé et construit la ligne de chemin de fer reliant la capitale Addis-Abeba au port de Djibouti, ou encore Djibouti, où des terminaux portuaires ont été financés par la Chine.

B. L’Afrique, espace du Soft Power chinois 

Outre le plan commercial, la Chine est aussi forte de son important Soft Power[12], qu’elle développe vigoureusement en Afrique. L’État chinois souhaite cultiver une image positive dans les pays d’Afrique en y développant ses nombreux outils de Soft Power : académiques, médiatiques, économiques. Ce Soft Power rend la Chine plus attractive tout en faisant la promotion de son modèle de développement. Pour preuve, elle a ouvert 61 Instituts Confucius[13] qui sont installés dans 41 pays d’Afrique[14]. De plus, depuis les années 2010, Pékin s’implante en Afrique de l’Ouest via les médias comme Radio Chine Internationale, China Global Television Network ou encore l’agence de presse Xinhua. Les médias importés de Chine ont tous une traduction française afin de cibler les audiences d’un ouest-africain majoritairement francophone. Des forums et des formations ont même été créés au Sénégal, par exemple, pour promouvoir et étendre la vision chinoise du journalisme. En 2015, un bâtiment a été construit à Dakar pour accueillir le siège des médias chinois en Afrique de l’Ouest. Leur diffusion permet à Pékin de relayer sa vision de l’actualité et de tenter de concurrencer les médias internationaux.

Le meilleur exemple de cette influence se trouve au Kenya, où la Chine s’est engagée dès 1982 à octroyer un certain nombre de bourses d’études annuelles à des étudiants kényans. Depuis 2020, l’apprentissage du mandarin est devenu obligatoire dès l’âge de 10 ans. De plus, le Kenya à lui seul possède trois Instituts Confucius. Dans le domaine de l’information, de nombreux médias chinois en anglais sont présents dans le pays depuis les années 1980, comme l’agence de presse Xinhua ou encore China Radio International. La Chine fait également don de matériel informatique et propose des formations à certains journalistes kényans.

  1. C. Une présence et une coopération militaire grandissante

  2. La coopération militaire entre les pays d’Afrique et la Chine complète l’influence de Pékin sur le continent. En 2004, Hu Jintao[15] a officialisé la présence militaire de la Chine en Afrique en annonçant la mise en place de diverses missions militaires sur le continent. En 2011, lors de la crise libyenne, Pékin a envoyé un navire de guerre ainsi que des avions militaires pour évacuer les travailleurs chinois présents sur les sites pétroliers ou de construction en Libye. Cette décision rappelle que la principale mission de l’armée chinoise est de protéger les intérêts du pays n’importe où dans le monde.

  3. Toutefois, depuis les années 2010, Pékin souhaite devenir une puissance mondiale. Pour cela, elle tente d’accroître sa présence militaire en Afrique, continent où les puissances occidentales sont militairement très présentes et influentes. En plus de garantir la protection des intérêts chinois dans le monde, Pékin souhaite à présent garantir la paix en Afrique, en participant aux Opérations de Maintien de la paix organisées par l’ONU ainsi qu’à certaines missions de protection et de défense, et en envoyant sur le continent de nombreux Casques bleus. Le pays est devenu en 2021 le second contributeur financier du maintien de la paix de l’ONU, avec plus de 2 200 casques bleus chinois déployés dans huit missions africaines des Nations Unies.

  4. Enfin, en 2016, l’Armée populaire de libération[16] a installé des troupes[17], des équipements (notamment une jetée pouvant recevoir un porte-avion), ainsi que du personnel de soutien sur une base militaire de Djibouti, premier déploiement étranger permanent depuis 1949. Cela lui permet de maintenir une présence navale dans l’ouest de l’Océan Indien et de protéger sa marine marchande contre la piraterie. Selon les États-Unis et certains journalistes africains, Pékin semblerait vouloir construire de nouvelles bases militaires, mais cette fois-ci sur la côte Ouest de l’Afrique. Trois pays seraient en tête de liste, la Guinée Équatoriale, l’Angola ou la Namibie. Cependant, tout comme Djibouti, la Chine reste très discrète et évasive quant au choix de ses bases et à ses projets militaires en Afrique[18].

  5.  

III/ Des influences qui peinent à se pérenniser et des puissances occidentales encore bien présentes

Bien que les présences russe et chinoise en Afrique soient de plus en plus influentes et s’étendent sur de nombreux territoires, le bilan de cette dernière décennie n’est pas le même qu’espéré.

A. Des investissements russes insuffisants

Sur le plan des investissements, moins de 1% des investissements directs à l’étranger en Afrique proviennent de Russie. Hormis l’important soutien militaire et l’accomplissement de ses propres projets, la Russie apporte finalement peu à ses différents partenaires africains. Les différentes sanctions occidentales de 2014 ainsi que le conflit ukrainien de 2022 n’ont fait qu’empirer la situation économique du pays.

Outre l’économie, de plus en plus d’experts font état des échecs du groupe Wagner et de ses actions contre-productives dans certains États où le groupe intervient. En 2020, en Libye, les mercenaires russes soutenaient le maréchal Khalifa Haftar et ont tenté pendant un an de prendre Tripoli par les armes, sans succès. Le cas de la Libye n’est qu’un exemple parmi d’autres. Les mercenaires ont même été soupçonnés de saboter leur propre mission pour garder une mainmise sur certains États clients[19]. Les défaites et autres combines pourraient à terme rendre les gouvernements africains plus réticents à la venue des mercenaires russes sur leur territoire. Enfin, le soutien russe à certains chefs d’État impopulaires ainsi qu’aux coups d’État, les accords d’échange d’armes contre des ressources, pourrait ternir l’image de la Russie aux yeux des populations et réduire son influence dans les pays africains, car perçue comme instigateur de l’ingérence continentale.

Enfin, la limite de l’influence de la puissance russe s’est vue lors de la question de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, qui a dévoilé une désolidarisation ou du moins une forte neutralité de la part des pays d’Afrique envers les agissements de la Russie. Au total, seulement huit pays ont ouvertement soutenu l’invasion et douze n’ont préféré par voter.

  1. B. L’augmentation du sentiment antichinois

  2. Le cas de la Chine est différent. Au fur et à mesure des investissements massifs dans de nombreux secteurs de l’économie africaine, un certain sentiment antichinois a vu le jour dans les pays où la Chine est très présente, notamment en Afrique de l’Ouest. Au Nigéria, par exemple, des populations voient l’eau des rivières polluée par les déchets industriels d’une entreprise chinoise[20]. Au Sénégal et en Algérie, les commerçants ont connu de grandes difficultés lorsque des entrepreneurs chinois se sont installés pour vendre leur marchandise à bas prix, impactant fortement leurs activités et l’économie des pays. A cela s’ajoute le fait que les entreprises chinoises favorisent la main-d’œuvre chinoise lorsqu’elles s’exportent en Afrique. Les investissements sont donc défavorables aux pays africains, puisque bien que ces derniers offrent des infrastructures plus modernes, ils ne dynamisent pas l’économie du pays. En juin 2022, le vice-président et candidat à la présidentielle kényane, William Ruto, avait déclaré que s’il était élu, il expulserait les ressortissants chinois qui occupaient des emplois qui pourraient être donnés à des Kényans. Enfin, ce sentiment est aussi nourri par l’idée d’un racisme vis-à-vis des populations ouest-africaines nourrit par la circulation sur les réseaux sociaux de vidéos d’agressions de jeunes étudiants et travailleurs ouest-africains vivant en Chine, et par l’image d’une population africaine perdue, affaiblie et effrayée véhiculée par l’industrie du cinéma chinois.

  3. Ce sentiment s’est également développé dans le secteur des médias, en particulier chez les professionnels ouest-africains, dont la culture journalistique est similaire à celle connue en Europe (liberté de la presse, pluralisme des sources, etc.). La culture journalistique chinoise est quant à elle plus restreinte avec un contenu au ton plus institutionnel, souvent est imposé ou contrôlé par la hiérarchie attachée à Pékin. Les contenus médiatiques chinois, ainsi que leurs lignes éditoriales, sont donc assez souvent perçus par les professionnels ouest-africains comme de la propagande d’État. De plus, le travail des journalistes ouest-africains est dévalorisé vis-à-vis des journalistes chinois (remise en question de leur travail, manque de confiance de la part des employeurs chinois ou encore retards de paiements). Bien que les médias chinois soient présents sur le continent depuis presque dix ans, leur succès mitigé ne leur permet pas de rivaliser avec les médias occidentaux notamment de la France et du Royaume-Uni, qui réaffirment de plus en plus leur présence dans l’Ouest africain[21]. La radio française RFI demeure la radio la plus écoutée dans certains pays de l’Ouest et parfois même plus suivie que certains médias locaux.

  4.  
  5. Ces nouveaux jeux d’influence induisent forcément des bouleversements dans la vie des affaires qui doivent être pris en compte par les entreprises avant toute décision d’implantation ou de développement de partenariats. IREMOS peut vous accompagner dans l’étude des risques et la formation de vos collaborateurs.

  6. Louise LEBRETON

 

[1] Le stock d'investissements directs de la Chine en Afrique était de 473,5 milliards en 2020.

[2] Voir II.

[3] Mali, Burkina, Tchad, Madagascar ou encore Congo.

[4] Aussi appelée MIBA, cette entreprise est détenue à 80% par l’État congolais.

[5] En 2020, la Russie est devenue le premier fournisseur d'armes en Afrique.

[6] Cet accord inclus un contrat de location du site de 25 ans, pouvant être renouvelé de 10 ans.

[7] Taxe imposée aux compagnies étrangères d’extraction d’or qui contraint au versement de 30% des bénéfices de l’entreprise au gouvernement soudanais.

[8] Le Soudan accusé de céder son or contre le soutien du groupe de mercenaires russe Wagner, novembre 2022

[9] Deng Xiaoping (1904-1997) a été le Président de la Commission militaire centrale du Parti Communiste Chinois (PCC) de 1981 à 1989.

[10] Quelle stratégie pour la Chine en Afrique ? Novembre 2021

[11] Voir ci-dessous.

[12] Soft Power : capacité d’un État à influencer et à orienter les relations internationales en sa faveur par un ensemble de moyens autres que coercitifs.

[13] Les instituts Confucius sont des établissements culturels publics à but non lucratif, implantés par la République populaire de Chine dans plusieurs villes du monde.

[14] Par comparaison, il existe 64 Institut Français à travers le continent.

[15] Hu Jintao a été le président de la République Populaire de Chine de 2003 à 2013.

[16] Bras armé du Parti communiste chinois créé en 1927.

[17] Environ 2000 soldats.

[18] Pour Djibouti, l’annonce officielle ne s’était faite qu’au commencement de la construction.

[19] Bilan mitigé des mercenaires russes en Afrique, 2022

[20] In Nigeria, toxic waste from Chinese company, (n.d.)

[21] Cela s’est manifesté par exemple par le lancement de deux nouveaux services en langues locales pour améliorer la proximité avec le public, ou encore les locaux de la radio internationale française inauguré en octobre 2019 à Dakar pour accueillir des rédactions en langues locales.

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