Comment faire face à un risque exponentiel de catastrophes naturelles ?

Iremos

7 oct. 2021

Incendies dévastateurs en Australie, glissements de terrain meurtriers en Inde, puissant typhon en Chine…. Ces catastrophes naturelles nous semblent lointaines, tout comme le risque d’une évacuation de masse semble improbable. Pourtant les inondations meurtrières de juillet 2021 en Allemagne et les incendies dans le sud de l’Europe fin août 2021 remettent en question l’évaluation de ces risques qui impactent directement les entreprises européennes, à l’instar de la centrale thermique de Milas en Turquie, encerclée par les flammes en août 2021. Toute évacuation, même préventive, est une crise à conséquences souvent lourdes pour l’entreprise. C’est un évènement brutal qui interrompt les procédures routinières de l’entreprise, la plongeant dans l’urgence tout en faisant régulièrement l’objet d’une couverture médiatique indésirable. Les événements climatiques, aussi inattendus que ravageurs, sont amenés à devenir de plus en plus fréquents selon le dernier rapport du GIEC[1], imposant une adaptation des mesures et procédures internes

 

I. Des risques multiples, imprévus mais de plus en présents

Plus aucun pays n’échappe à l’intensification des phénomènes climatiques de grande ampleur. En 2021, la France a connu un mois de juin le plus chaud, les Etats-Unis ont fait face au Dixie Fire, le deuxième plus grand feu, des crues torrentielles ont touché la province chinoise d’Henan. Les catastrophes liées au climat deviennent de plus en plus menaçantes, de plus en plus fréquentes et de plus en plus globalisées. Cela n’épargne pas les entreprises, qu’il s’agisse de leur structure, de leurs employés sur site, de leurs collaborateurs en déplacement ou expatriés, ou encore de leur partenaires, sous-traitants et clients. Au-delà des risques évidents liés à la protection des personnes et des biens, d’autres risques plus spécifiques doivent être pris en compte.

Incendie de forêt - catastrophe naturelle

Plus que les bâtiments détruits par le passage de l’eau ou des flammes, le matériel électronique peut également être endommagé et avec, les données de l’entreprise. Le stockage des données dans des endroits sûrs et multiples devient alors une priorité. La reconstruction du site ne suffit plus à relancer l’activité de l’entreprise après une catastrophe, la perte de données entrave toute reprise. La sécurité des serveurs devient une réalité aussi importante que celle des sites.

Après une catastrophe naturelle, les entreprises peuvent aussi être les victimes de vols et pillages. Un incendie ou un typhon dévastateur laisse derrière lui un paysage dévasté et généralement abandonné, terrain de jeu privilégié des pilleurs. De même, si bien même les flammes ou l’eau ne sont pas parvenues jusqu’au site, elles peuvent représenter une menace assez importante pour rendre obligatoire une évacuation préventive de l’entreprise. En Colombie-Britannique, la ville de Castlegar a été évacuée sans que les flammes ne viennent finalement détruire les habitations. Dans ces zones abandonnées par les habitants, les pillages sont particulièrement fréquents. Ainsi, 13 personnes ont été arrêtées pour pillage dans la région de Santa Cruz lors des évacuations dues aux immenses incendies de 2020 sur la côte ouest américaine. Une entreprise fermée précipitamment ou avec des défaillances dans son système sécuritaire attire les pilleurs. Il peut aussi arriver que la population, ayant tout perdu, se ligue pour piller et saboter les lieux apparents de richesse que sont les commerces et entreprises de la région.

L’intensification de ces catastrophes naturelles peut également engendrer une crise sociale voire une nouvelle forme de criminalité. Le caractère répété des phénomènes climatiques et l’urgence de la situation remet en question l’action de l’Homme sur la nature. L’Etat et les entreprises sont les premiers pointés du doigt. A l’instar des Fridays for Future menés par la jeune Greta Thunberg, des mouvements de protestation en faveur de la lutte contre le dérèglement climatique s’organisent pour faire tomber les « responsables ». Greenpeace n’est plus le seul acteur militant pouvant représenter une menace pour les entreprises. De même, les incendies et les sécheresses pourraient être à l’origine de mouvements de protestation civile voire d’une nouvelle criminalité liés au partage des ressources. Dans des régions en stress hydrique comme la Kabylie que les flammes ont ravagée cet été, la présence d’une usine de l’industrie automobile à Rouiba peut créer des conflits d’intérêts liés à l’accès à l’eau. A quoi servira l’eau en priorité : produire des voitures, vivre ou éteindre les flammes ?

 

II. Prévenir les conséquences des crises

La prévention des phénomènes climatiques extrêmes par les scientifiques permet de prévenir les risques et d’agir en conséquence pour protéger les personnes et les biens. Cependant ces systèmes ont des failles comme le prouve l’inondation meurtrière et inattendue de New York en septembre 2021. Il est tout de même possible de se préparer à l’éventualité d’une catastrophe afin d’en limiter les conséquences.

Certaines mesures relèvent de la compétence des autorités. Pendant la crise, sa priorité est de communiquer afin que chacun reçoive les informations nécessaires à sa sécurité. Pour ce faire, des systèmes de communication sont mis en place, par sms aux Etats-Unis ou sur Radio-France, Sud-Radio ainsi que France Télévisions en France, informant de l’avancée des opérations et des dangers imminents. Une réaction coordonnée à la crise devient alors possible. Lorsqu’une évacuation est programmée et que la nouvelle est communiquée à temps, chaque habitant peut avoir le temps de se mettre en sécurité. Une fois la catastrophe passée, la protection des biens des personnes évacuées fait partie du protocole délivré par certaines autorités. Ainsi, patrouiller dans la zone pour assurer la sûreté des biens et protéger les installations requérant une attention particulière est du ressort de l’Etat. Les autorités françaises, allemandes ou encore américaines mettent en application ce type de protocole et imposent généralement des couvre-feux (comme en Louisiane après le passage de l’ouragan Ida en août 2021) et font patrouiller des forces de sécurité pour veiller au mieux aux biens des personnes évacuées (patrouilles de policiers dans le Var lors des incendies). Les actes de pillages sont ainsi limités.

Les entreprises peuvent également prendre elles-mêmes des mesures de prévention afin de limiter les conséquences d’une catastrophe naturelle.

Prendre conscience des risques : Les risques liés aux catastrophes naturelles sont multiples et de différentes intensités selon les pays. Avant tout projet, en France ou à l’étranger, il alors important de prendre conscience des risques auxquels l’entreprise peut être exposée.

  • Ainsi, une analyse des risques naturels est nécessaire pour protéger un site avant son ouverture à l’étranger ou des collaborateurs envoyés en mission dans un autre pays. Une analyse tendancielle basée sur des faits et une réflexion de prospective quant aux scénarios susceptibles de se produire sur le long terme peuvent être délivrées par des entités effectuant de la veille sécuritaire.
  • Faire connaître les risques et former ses collaborateurs fait partie de l’obligation de sécurité de l’employeur. Lorsqu’un collaborateur part en déplacement, il doit être conscient des risques –naturels et autres- qui peuvent subvenir dans le pays. Chaque pays a des spécificités climatiques et dans chaque pays, la gestion et les conséquences d’une même crise peuvent varier. Lors d’une inondation au Tchad, les évacuations des villes touchées, la rapidité des services de secours, la prise en charge des désastrés, la recherche des disparus et les conséquences de la catastrophe (durée de la coupure d’électricité ou d’eau, glissements de terrain…) ne ressemblent en rien à ce que l’on vit en France.

crue des eaux - catastrophe naturelle

Sûreté des sites : Afin de réduire la vulnérabilité de son entreprise face à la multiplication des catastrophes naturelles, il devient indispensable de préparer ses équipes à un événement auquel elles ne s’attendent pas. Pour ce faire, des mesures de prévention comprenant des plans de sécurisation et d’évacuation peuvent être établies en amont. Connaître son site et le cartographier permet une meilleure planification de l’évacuation et la facilite le jour j.

Lorsqu’une crue soudaine ou une manifestation de militants arrive, le site se doit d’être fermé rapidement et efficacement sans mettre en danger la vie des employés chargés de sécuriser le lieu en urgence. Certaines entreprises allemandes se sont rendu compte de leurs lacunes en matière d’évacuation lors des crues soudaines de l’été 2021. A Hagen, 17 employés du groupe Schmiedag GmbH ont dû attendre toute la nuit pour être évacués en raison de la lenteur du processus de fermeture du site. Pour les entreprises ne disposant pas des compétences en interne, des audits de sûreté délivrés par des cabinets de conseil, peuvent déceler les failles des dispositifs et procédures de sûreté et proposer des technologies adéquates pour automatiser la fermeture. La sécurisation du site est alors efficace – minimisant le risque de pillages - et rapide – permettant aux employés de quitter les lieux dès les ordres d’évacuation donnés pour se mettre en sécurité.

 

III. Une gestion de crise pour préparer l’entreprise à l’inattendu.

Pour se protéger pleinement contre une catastrophe inattendue, une entreprise requiert non seulement d’adopter des dispositifs de sûreté robuste, mais également, de se préparer à devoir gérer une crise causée par un événement qui aurait glissé hors des rouages de l’organisation : c’est le rôle d’une politique de gestion de crise.

La gestion de crise ne relève pas seulement de la résolution d’un problème. Si les locaux de l’entreprise venaient à être inondés, déployer le plan d’évacuation et trouver de nouveaux locaux sera insuffisant pour protéger l’entreprise dans sa globalité. L’évènement pourrait facilement engendrer une crise : personnes disparues à retrouver, familles d’employés inquiètes à gérer, journalistes souhaitant relayer l’évènement, autorités à informer, matériel à sauver, clients et salariés à rassurer, assurances à contacter, hiérarchie à tenir au courant … Tout cela dans un condensé de temps et généralement sous les feux des projecteurs. Seule une organisation parfaite permettra de ne pas se laisser submerger et générer de crise dans la crise.

Les grands principes de la gestion de crise sont avant tout, l’anticipation et la préparation. Nul ne peut vraiment gérer une crise correctement s’il n’est ni sensibilisé ou préparé. Une bonne gestion de crise commence ainsi en période dite « normale ». Et si une crise venait à survenir, la bonne gestion de crise est aussi celle qui aura fait preuve de la maitrise de tous les impacts et parties prenantes, mais également, qui aura brillé en termes de communication interne et publique. Pour maximiser la capacité de son entreprise à gérer une crise, il est alors recommandé de :

Structurer une organisation de crise, c’est-à-dire implanter une procédure pour répondre à un évènement de manière adaptée et structurée. L’organisation ne réagirait pas de la même façon s’il s’agissait d’un simple incident ou s’il s’agissait d’une crise. Structurer une organisation de crise consiste alors aussi à adopter une compréhension de ce que constitue spécifiquement un évènement mineur versus une crise pour l’entreprise, et donc dans quel cas, mobiliser une cellule de gestion de crise.

inondation - catastrophe naturelle

En termes d’anticipation, la veille reste le meilleur moyen de détecter les signaux faibles, c’est-à-dire les signes avant-coureurs que son entreprise est sur le point de connaitre une crise. Elle devra porter non seulement sur des systèmes afin d’identifier d’éventuelles failles internes, mais également sur les évènements et évolutions qui ont lieu dans l’environnement de son organisation (environnement physique de l’entreprise, concurrence, politique, etc.).

Les formations permettent de se sensibiliser et de sensibiliser ses collaborateurs aux crises et à leur gestion. A travers une formation, une organisation améliore son appréhension du sujet et est amenée à questionner la résilience de son entreprise (l’organisation de crise de mon entreprise est-elle au point ? A-t-on tout le matériel nécessaire pour gérer une crise si elle survenait ?). Une formation est également l’opportunité pour le chef d’entreprise et ses collaborateurs de revoir la méthodologie de la gestion de crise (sait-on quoi faire et comment ? avons-nous une bonne connaissance des rôles mobilisés dans une cellule de crise ? Connaissons-nous les clés de la communication de crise ?).

Les exercices constituent un excellent moyen pour se mettre en situation et tester ses collaborateurs et soi-même à la gestion de crise. Par le biais d’un scénario réaliste, une équipe peut évaluer sa performance en étant immergé dans un contexte de stress et d’incertitude. Les exercices de crises offrent l’opportunité de s’entrainer, commettre des erreurs dans le but de se corriger et donc d’améliorer la résilience de son entreprise pour le jour où une crise réelle surviendrait. En somme, savoir gérer une crise est devenu complémentaire à la sûreté, en permettant de pallier l’incertitude grandissante des menaces qui nous entourent.

 

Conclusion

Au-delà des dégâts considérables et directs que peuvent causer la propagation d’un feu de forêt ou l’apparition d’une inondation, il devient aujourd’hui impératif de rappeler que ces évènements entrainent un certain nombre d’impacts indésirables pouvant alors plonger soudainement une entreprise dans une crise réelle. Prendre conscience des risques liés à une catastrophe naturelle, adopter des mesures préventives de sécurité et mettre en place une gestion de crise sont les trois axes pour ne plus rester passif devant ces phénomènes dévastateurs.

 

[1] IPCC, Climate Change 2021 : The physical science basis, août 2021. IPCC_AR6_WGI_Full_Report.pdf

 

Axelle QUINTRIC, Chargée de Veille en Sûreté et Mobilité Internationale

Kristin PERROT-MINNOT, Consultante Gestion de Crise

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